Document: Ukraine, Italie, Pologne : un nouveau réseau international de militants étudiants-travailleurs

Reséau international etudiants travailleursUn nouveau réseau international de militants étudiants-travailleurs

Fin avril 2024, un groupe de militants, militantes étudiant·en Pologne et en Italie a organisé une assemblée en ligne. Un réseau international est né sous le nom de « Universités en guerre : la lutte des étudiant·es et des travailleuses et travailleurs en temps de crise » (https://universitiesatwar.wordpress.com/), soulignait la nécessité de porter la question de la guerre, à l’intérieur des universités. Les 13 et 14 juillet, la première réunion en présentiel de ce réseau s’est tenue à Poznan, en Pologne avec : Officine della formazione / Ateliers d’Éducation (Italie), OZZ Inicjatywa Pracownicza / Initiative ouvrière (Pologne), Пряма Дія / Priama Diia (Ukraine)

Ci-après la déclaration commune et le Manifeste.

La déclaration commune

Fin avril 2024, un groupe de militanes et militants étudiantes et étudiants de Pologne et d’Italie a organisé une assemblée en ligne pour construire un espace de discussions, de réflexions et d’actions internationales entre les étudiant·es et les militant·es de la communauté universitaire mondiale. Plusieurs organisations et militants ont salué leur effort dans le monde entier. Un réseau international est né sous le nom de Universities at War (https://universitiesatwar.wordpress.com/ ), soulignant la nécessité de porter la guerre, notre guerre, à l’intérieur des universités. Les 13 et 14 juillet, la première réunion en présentiel de ce réseau s’est tenue à Poznan, en Pologne. Plusieurs organisations et pays du monde entier y ont participé. Nous n’avons aucun doute : ces deux jours ont été marqués par des discussions politiques de grande qualité et par un partage indispensable de pratiques, d’idées et de points de vue. Si le texte ci-dessous constitue le manifeste collectif de notre assemblée, il ne doit pas être considéré comme un ensemble d’idées finalisées. C’est le résultat d’une session d’écriture collective qui nécessite beaucoup de travail. Nous vous demandons de vous y engager, comme si vous faisiez partie de cette session de rédaction.

Contact du réseau : http://organising.againstuni@yahoo.com

MANIFESTE

Nous sommes des étudiants et étudiantes, travailleurs et travailleuses qui, face à la crise du logement et de la production de connaissances causée par les politiques néolibérales d’austérité, s’organisent ensemble pour transformer nos conditions d’études et de travail. Nous sommes conscient·es que cet objectif ne peut être atteint sous le capitalisme et sans agir au-delà des frontières. Nous écrivons ce manifeste pour résumer les résultats de nos discussions communes tenues dans le cadre de la rencontre des mouvements étudiants internationaux Universities at War : Student-Worker Struggle in Time of Crisis (Universités en guerre : la lutte des étudiants et étudiantes, travailleurs et travailleuses en temps de crise) à Poznan (Pologne) les 13 et 14 juillet 2024. Nous voulons unir  tous les aspects de nos luttes et préparer un terrain fertile pour un mouvement étudiant international stable et en pleine croissance. Nous adressons ce manifeste non seulement à tous les étudiant·es qui souhaitent rejoindre notre mouvement, mais aussi aux universitaires, aux travailleur·euses des autres secteurs de la production et de la reproduction, aux locataires et aux migrant·es – à tous ceux et celles dont le travail quotidien reproduit le système capitaliste. Nous sommes conscient·es qu’aujourd’hui, les étudiant·es ne sont pas en première ligne de la lutte – ce n’est qu’un nouveau départ. Mais recommencer ne signifie pas revenir en arrière.

La raison pour laquelle nous avons décidé d’écrire cette déclaration est que nous partageons la même lutte contre le capitalisme et que nous voulons le dépasser. Tout en soulignant la subjectivité politique distincte de nos différentes organisations, nous devons partager nos connaissances et les leçons de nos luttes par le biais de contacts directs (face à face) et en écoutant des voix provenant de différents contextes. Nous devons également documenter minutieusement nos victoires et nos défaites. Nous devons construire une solidarité dans les luttes à travers différents espaces.

Les universités à notre époque

Notre expérience de l’université est une expérience de solitude et d’isolement. Le parcours éducatif est conçu pour favoriser la compétition entre les étudiant·es, au lieu de la coopération. Le capital profite de cette compétition parce qu’elle produit un individualisme soumis. Un individualisme qui non seulement ne permet pas la lutte, mais n’est même pas capable d’imaginer et de désirer un monde ou une université différents. Toute la structure de l’université fonctionne selon des lois politiques et économiques, où les étudiantes et étudiants, comme les travailleurs et travailleuses, sont privés des connaissances qu’ils et elles acquièrent et coproduisent. Elles et ils sont ainsi aliéné·es parce qu’ils et elles n’étudient pas pour leur développement autonome et critique, mais pour des objectifs capitalistes. C’est l’essence même de l’université capitaliste et cela montre également une tension entre les deux directions que prend l’université contemporaine. D’une part, le programme d’études est conçu pour forger une force de travail propre à insérer dans le processus de production. D’autre part, cela entraîne une contradiction interne avec les objectifs initiaux de l’université à savoir l’acquisition de connaissances. La science ne peut pas se développer sur la base d’une université capitaliste.

La connaissance n’est ni mauvaise ni bonne, mais elle n’est pas neutre. La connaissance produite par le capital est contre nous : elle est toujours mesurée puisque, pour être vendue sur un marché, elle doit avoir une quantité. Elle nous rend stupides. Nous voulons organiser une production de notre savoir autonome. Mais nous sommes conscient·es que ce savoir – le savoir issu du commun – ne peut être obtenu qu’en luttant au sein de l’université contemporaine.

Bien commun contre capital

Les communautés étudiantes se développent à partir de la base et sont enracinées dans ce que nous sommes en tant qu’étudiants et étudiantes. Elles ne peuvent donc pas être séparées des autres luttes et sont intrinsèquement intersectionnelles. Nous construisons les communs comme des espaces libres pré figuratifs. Pour apprendre et désapprendre, pour se faire confiance, pour s’engager dans une éducation critique, pour construire nos communautés et prendre soin les un·es des autres. Le changement ne peut se produire qu’au sein de la collectivité des étudiant·es eux-elles-mêmes. Par notre lutte collective au sein et contre la production dans nos propres communautés, en commençant par l’université. C’est là que nous abolissons les institutions répressives et, en fin de compte, l’État. Nous considérons la lutte étudiante comme le point de départ d’un changement plus large au sein de la société.

L’université contemporaine est sous le contrôle de l’État et du capital, alors que nous sommes divisé·es et aliéné·es les un·es des autres. Ils volent les connaissances que nous produisons. Nous voulons nous libérer. Nous voulons imaginer et pratiquer l’université du commun. Une nouvelle université qui dépasse les hiérarchies de genre et de race et qui contourne les frontières. Une université qui produira des connaissances autonomes. C’est la lutte pour la transformation de la communauté universitaire vers la solidarité transnationale. Rejoignons la lutte commune contre l’université néolibérale.

Un terrain d’entente entre les travailleurs et travailleuses de la connaissance de l’université (professeurs, chercheurs, etc.) et les étudiants est basé sur cette affirmation : plus la force de travail intellectuelle est exploitée (bureaucratie, publier ou périr, cours surchargés), plus les étudiants et étudiantes font l’expérience d’un grand appauvrissement de la connaissance. En outre, en reconnaissant que les étudiants et étudiantes sont directement impliqués dans la production et la reproduction du savoir et, par conséquent, pleinement impliqués dans les processus de valorisation capitaliste, nous sommes amenés à nous battre (comme objectif minimum) pour les coûts de reproduction de nos vies (cantine, dortoirs, transport et services en général). Nous voulons que tous ces services soient gratuits et de qualité et nous pensons que nous avons droit à un salaire étudiant.

Les universités en guerre

Nous ne pouvons pas prétendre que nos universités ne sont pas impliquées dans des guerres. En tant qu’étudiant·es, nous reconnaissons que cela soulève de nombreuses contradictions dans nos luttes et entre les mouvements de gauche dans différents pays. Mais nos luttes sont plus importantes que les contradictions entre les différents mouvements, personnes ou groupes de gauche. Nous pensons que les universités doivent être libérées de l’idéologie impérialiste et colonialiste. Les étudiants et étudiants travailleurs et travailleuses doivent comprendre que l’idéologie capitaliste exige des guerres qui sont toujours associées à des crimes de guerre, des violations des droits humains et une oppression brutale, de sorte que notre lutte contre le capitalisme est une lutte contre la guerre. Nous exprimons notre solidarité avec tous les mouvements de gauche qui continuent à lutter contre les tendances autoritaires dans les pays qui connaissent la guerre, les bombardements, la violence et la destruction sur leurs territoires.

Pour construire un mouvement transnational cohérent, nous devons avoir une perspective commune qui éclaire nos décisions et guide nos actions. Nous devons créer et entretenir les outils nécessaires à l’échange de contre-connaissances pratiques et théoriques. Les institutions capitalistes existantes de production de connaissances ne sont ni désireuses ni capables de nous donner cet espace, à moins que nous ne les trompions et que nous exploitions les failles du système à leur encontre. Voler des ressources partout où c’est possible, saisir toutes les opportunités et rechercher activement des occasions de les rendre au public et au commun. Entre-temps, nous ne devons pas éviter les conflits pour maintenir l’unité et devons être prêts à confronter les perspectives des un·es et des autres avec d’autres perspectives. Nous devons savoir se confronter et savoir être en désaccord parce que nous ne trouverons pas d’idées communes par l’ignorance. Au contraire, un échange honnête de points de vue nous permettra de mieux comprendre les positions des un·es et des autres, ce qui nous permettra de travailler ensemble malgré nos désaccords.

Les femmes étudient et subvertissent les universités

Les femmes représentent une part importante des universités dans le monde, mais elles sont traitées différemment de leurs collègues masculins. Leurs besoins, leurs problèmes et leurs intérêts sont négligés non seulement par les autorités, mais aussi par les communautés dans lesquelles elles travaillent. L’abus de pouvoir au sein des universités ne peut être ignoré. Il touche à la fois les étudiantes et les travailleuses. L’une des formes les plus brutales de ces abus est la violence sexuelle, commise à grande échelle dans des lieux qui devraient en être exempts. Nous ne consentons pas à cet état de fait et nous exigeons que nos universités soient débarrassées du patriarcat, de l’abus de pouvoir et de l’exploitation.

Le manque d’infrastructures sociales influe sur la capacité des femmes à s’instruire. Les cantines pourraient devenir des moyens permettant de libérer les femmes des tâches ménagères supplémentaires et les crèches devraient apporter un soutien aux mères. Ces deux types d’infrastructures devraient être accessibles et gratuits.

Par conséquent, la présence des femmes dans les organisations étudiantes – syndicats, collectifs et autres – est extrêmement importante et irremplaçable. Nous ne pouvons pas ignorer les occasions de nous mobiliser et de mobiliser les autres pour lutter contre l’injustice et le patriarcat.

Que faut-il faire ?

La subversion des universités est une affaire globale et locale : si nous ne réunissons pas ces deux aspects de notre lutte, le capital gagnera toujours. Construire un véritable réseau international de militant·es étudiant·es-travailleur·es :

  • Nous commencerons à partager des publications sur les types et les formes d’actions menées dans nos contextes nationaux , y compris des manuels pratiques et des boîtes à outils sur la pratique efficace des luttes, via notre site web (https://universitiesatwar.wordpress.com/).
  • Nous invitons les organisations du monde entier à traduire ce manifeste et à engager une discussion, même critique, avec lui. Nous publierons vos contributions sur notre site web.
  • Nous briserons le silence sur les conflits internationaux en cours.
  • Nous organiserons une réunion en présentiel à l’automne 2024 en Ukraine et une autre en mai-juin 2025 à Bologne, en Italie.
Print Friendly, PDF & Email
(Comments are closed)