Décès de Jacques Sauvageot

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Jacques Sauvageot au centre de l’image.

Jacques Sauvageot est mort dans la nuit du 28 au 29 octobre 2017, celle qui nous plonge dans l’heure d’hiver.

C’est une triste nouvelle pour sa famille, ses amis comme  pour toutes celles et tous ceux avec qui il continuait à militer, liant son travail sur la mémoire et les archives qu’il menait à l’Institut Tribune socialiste à la réflexion sur le présent et l’avenir des mouvements sociaux et de l’émancipation. C’est en sortant de l’ITS (Institut tribune socialiste) après une journée de travail bien fournie qu’il a été victime d’un accident dont il ne s’est pas relevé.  Il ne sera pas avec nous pour apporter son témoignage, ses éclairages, ses retours critiques à l’occasion des 50 ans de mai et juin 68. Il devait apporter des contributions à l’ITS, à l’AAUNEF, au Germe, continuer l’enregistrement de son témoignage à la Cité des mémoires étudiantes. Il nous manquera à l’heure de faire contrepoids aux interprétations réduisant 68 à une « révolution culturelle », ayant servi de marchepied aux « succes stories » de quelques dizaines « d’anciens » soixante huitards qui auraient « réussi ». Jacques était tout l’inverse de cela. Sous les feux de la rampe, il représenta l’UNEF et plus largement la révolte étudiante, par sens des responsabilités et non par goût pour les sunlights. Sa biographie publiée dans le Maitron (Dictionnaire biographique du mouvement social) atteste de ses parcours professionnels, exempts de carriérisme, de ses activités militantes, au plus près du terrain. Jacques, c’était l’un des plus connus des « élites obscures » chères au Maitron, ces dizaines de milliers de militants associatifs, syndicalistes, politiques. Il en représentait bien cette absence d’ambition égocentrique, attaché qu’il était avant tout à une autre ambition, celle des projets collectifs auxquels il participait, qu’il contribuait à initier, avec dévouement, et aussi avec l’exigence d’une fidélité, non aux mythes et aux légendes, mais à l’examen et à la restitution des réalités.  La recherche de la vérité est toujours plus révolutionnaires que la fiction.

Que sa famille, ses amis et proches, que l’ITS, l’AAUNEF, l’ensemble de celles et ceux avec qui il continuait le combat soient assurés que nous tenterons de le poursuivre au mieux.

 Robi Morder le 29 octobre 2017

Empreintes étudiantes des années 1968 dans le monde. Paris, 2-3 et 4 mai 2018. Appel à contributions

le complot internationalColloque co-organisé par le GERME, la Cité des mémoires étudiantes et le Centre d’histoire de Sciences-Po – Paris
Avec le soutien, notamment, du Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Paris 1/CNRS) et de l’Université Paris-Sorbonne

Appel à contributions (Date-limite pour les propositions : 30 octobre 2017)

version anglaise The imprints of 1968’s student movements in the world Paris, (2-4) May 2018 – Call for papers

La contestation politique, sociale et culturelle dont les semaines agitées de mai-juin 1968 furent le paroxysme dans plusieurs pays, se confirme désormais comme objet d’histoire, qui mobilise les chercheurs en sciences sociales aussi bien en France que dans le monde. L’ombre portée de 68 a souvent été interrogée. D’aucun.e.s ont pu y voir un nouvel empire, tout au moins une emprise… Plus concrètement, nous tenterons de scruter les empreintes étudiantes de ces années.Il importe de poursuivre les travaux universitaires qui, depuis une trentaine d’années, se sont efforcés de sortir de l’impressionnisme journalistique, pour analyser l’événement, le mouvement, contribuer à établir sa chronologie, sa diffusion sociale et géographique, tant nationale, internationale que transnationale.

Depuis le séminaire, puis colloque, de l’IHTP, en 1998, qui a consacré les « années 1968 » comme vaste période de contestation protéiforme qui traverse les pays industrialisés occidentaux comme ceux du bloc soviétique ou des pays dits du « tiers monde », les recherches n’ont pas manqué Continue reading ‘Empreintes étudiantes des années 1968 dans le monde. Paris, 2-3 et 4 mai 2018. Appel à contributions’

Décès de François Borella

borellaC’est avec une grande tristesse que nous avons appris dimanche le décès de François Borella à l’âge de 85 ans, dont les obsèques ont lieu aujorud’hui à Nancy, ville à laquelle il est demeuré fidèle, où il fit ses études, milita, enseigna le droit public. Il marque profondément l’histoire de l’UNEF puisque c’est en 1956 qu’il devient le premier président « mino » de l’UNEF, et rédige avec Michel de La Fournière le livre Le syndicalisme étudiant, référence de l’UNEF pendant toute la période de la guerre d’Algérie et des années 1960. Il figure au « Maitron » dans une notice biographique rédigée par Alain Monchablon également publiée en 2002 dans le numéro 22/23/24  des Cahiers du Germe.

François Borella a contribué à l’histoire du mouvement étudiant en ayant confié son fonds d’archives à la Cité des mémoires étudiantes, (déposé et consultable aux Archives nationales) ainsi qu’un témoignage oral. Il avait participé à la journée d’études Germe/Cité des mémoires étudiantes/Centre d’histoire sociale de Paris 1 le 27 octobre 2012 (voir photos sur le site de la Cité), dont les actes ont été publiés dans le dossier des Cahiers du Germe n° 30 (voir contribution Borella page 66).

Nous adressons nos sincères condoléances à sa famille, ses amis, ses collègues.

(François Borella en 1956, photographie OURS reproduite dans l’exposition « mouvement étudiant et guerre d’Algérie » de la Cité des mémoires étudiantes.

1986-2016, les 30 ans du mouvement Devaquet. Les états généraux de mars 1987.

etats-generaux-mars-1987En 1986, la question de la détermination des revendications «en positif» par la coordination se pose peu : la grève est limitée dans le temps, le mouvement a pris une ampleur et une place dans la conjoncture politique plus importante que le mouvement étudiant de 1976, le préalable à toute proposition nouvelle étant le retrait du projet Devaquet, le mouvement se concentre sur ce point. Toutefois, une fois le projet retiré, et c’est une chose nouvelle dans les mouvements étudiants, le problème reste posé et la coordination convoque des états généraux, déclarant qu’aucune négociation ne pourra avoir lieu avec le gouvernement avant leur tenue des états généraux. Preuve que la question des propositions préoccupe bien cette fois-ci l’ensemble des forces étudiantes d’autant qu’au lendemain du retrait, une fois le projet retiré, Monory déclare engager une vaste concertation sur l’avenir de l’enseignement supérieur.

Des commissions de la grève à une plate-forme pour une nouvelle université.

Au cours même du mouvement contre la réforme Devaquet le problème de plates-formes revendicatives se pose non seulement dans chaque université avec ses «comités» ou «commissions» de réflexion, mais avec le début de liens horizontaux entre ces comités, commissions en dehors de la coordination (peut-être d’ailleurs en raison du fait qu’à la différence de 1976 la coordination n’aborde guère le problème mais se contente d’inviter à la réflexion). «Dans la plupart des facs de France, des Commissions de réflexion se sont organisées spontanément pour faire l’analyse et la critique du projet de loi Devaquet […] pour prouver que les étudiants aussi ont des projets pour l’université de demain»[1].

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Élections étudiantes : le cas lillois à la loupe

ACADEMIE LILLEAnalyser les résultats des élections étudiantes permet souvent de mieux appréhender une partie des évolutions du paysage syndical étudiant. Mais, comme nous l’avions souligné dans une note précédente (1), il est souvent plus éclairant d’étudier les résultats à une échelle très fine. Nous avons ainsi choisi d’analyser les résultats des élections étudiantes par bureaux de vote sur un petit territoire. Nous avons pu compiler les données pour les élections au CROUS 2012, 2014 et 2016 en se limitant aux établissements d’enseignement supérieur de la métropole lilloise soit 49 bureaux de vote.

En effet, loin de considérer le vote comme une expression individuelle d’une adhésion (ou non) à des programmes ou revendications syndicales ou comme un prolongement d’une orientation « politique » individuelle, nous préférons voir dans le vote un reflet (certes partiel) de l’implantation et de la capacité de mobilisation des organisations étudiantes. Or, cette implantation et cette capacité de mobilisation sont très souvent liées à la filière d’études (2) : ainsi la FAGE, désormais première organisation étudiante, est partiellement structurée en fonction des filières. Comme l’ont montré divers travaux, les étudiants votent en groupe, avec leurs camarades de classe et/ou leurs associations (3).
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Les étudiants parisiens et le Front Populaire

QL 1936

Au Quartier Latin, panneaux électoraux. Dessin Giroux, 1936.

Vient de paraître dans Vingtième siècle, revue d’histoire, n° 133, 2017/1, un article d’Alain Monchablon « Les années Front populaire des étudiants de Paris ». Ci-dessous un résumé rédigé pour le site du Germe.

Il est reconnu que de longue date l’Action française avait fait « main basse sur le Quartier latin », selon la formule de Jean François Sirinelli. La situation à la veille du Front Populaire était dans la continuité des décennies antérieures. Il est vrai que les étudiants d’il y quatre-vingts ans ne ressemblaient guère à ceux d’aujourd’hui : au nombre de 32500 en 1936, toutes facultés confondues, ils étaient majoritairement étudiants en droit et en médecine et très majoritairement  d’origine bourgeoise. La  domination de l’extrême droite s’exerçait par l’importance numérique de la fédération des étudiants d’Action française, par le contrôle de l’Association générale des étudiants de paris jusqu’à sa déconfiture en 1934, par l’organisation de manifestations de rue devenues quasiment quotidiennes dans le mois qui précéda le 6 février 1934, comme par la capacité à empêcher les cours d’universitaires qui déplaisaient. Au cours de l’année 1935, l’extrême droite étudiante, soit l’AF et les Phalanges universitaires des Jeunesses Patriotes, avait été capable de mener une grève xénophobe en médecine, Continue reading ‘Les étudiants parisiens et le Front Populaire’

Eléments après les élections aux Crous et Cnous 2016/2017

urneLe 31 janvier 2017, la FAGE reportait, avec 5 élu.e.s sur 8(+1) les élections au Conseil d’Administration du CNOUS (Centre National des Oeuvres Universitaires et Scolaires), reléguant l’UNEF, avec 3 sièges(-1), au second plan. Il s’agit d’un scrutin indirect auquel étaient convié.e.s les 196 élu.e.s des CROUS (Centres Régionaux des Oeuvres Universitaires et Scolaires) dont la désignation a été organisée en novembre 2016. La FAGE avait alors obtenu 76 élu.e.s (+6), l’UNEF 66 (-11) et l’UNI (droite) 12 élu.e.s (-2). Au CNOUS, la FAGE obtient 91 voix, obtenant les suffrages d’élu.e.s de listes corporatives non abfiliées exclusivement à la FAGE. A l’inverse, l’UNEF ne gagne qu’une petite voix outre celles de ses élu.e.s (ce qui témoigne de son manque d’attractivité).
Mais, si l’on raisonne en nombre de voix, le constat est bien plus tragique pour les organisations étudiantes. Par Tristan Haute (1).

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Jan Pierre Delaville (1933-2017)

delaville-diner-aaunef-9-fevrier-2006-senat-photo-rmUne fidélité sans faille à la santé et à l’action collective des étudiants

Jean-Philippe Legois, Alain Monchablon, Robi Morder

Jan-Pierre Delaville est décédé le 5 janvier dans sa commune de Créteil. Il avait 83 ans. Il était né le 25 août 1933 à Paris d’un père secrétaire de mairie, et d’une mère secrétaire. De 1940 à 1942 son père, Jean-Jacques Delaville, a participé à la résistance à l’occupant en prenant la responsabilité de 4 000 faux papiers[1]. Après des études au lycée Michelet de Vanves, il s’inscrivit à à l’École Pratique des Hautes Études. Passionné par l’audiovisuel et la pédagogie, il poursuivit ses études à l’Institut de Filmologie, et devint réalisateur à la Radio télévision scolaire (RTS) de 1965 à 1970 où son engagement syndical à la CGT, puis après 1968 à la CFDT, confirmait un militantisme syndical initié au sanatorium et à l’UNEF durant ses études – études reprises pour obtenir sa thèse de 3e cycle en 1978.

L’engagement étudiant fut aussi un engagement syndical et politique dans la « génération algérienne », à l’UNEF, avec le « groupe Reconstruction » de la CFTC en vue de sa déconfessionalisation aboutissant à sa transformation en CFDT une décennie plus tard, dans les processus politiques (Regroupement de la gauche étudiante, Nouvelle gauche dont il fut responsable étudiant, Union de la gauche socialiste, ) ayant conduit à la création du PSU – parti dont il fut membre dès le début de son Comité politique national, parti qu’il quittera en 1975 pour rejoindre le Parti socialiste[2].

A gauche: Jan-Pierre Delaville dans un repas de l’AAUNEF au Sénat. 9 février 2006. Photo Robi Morder

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Soutenir la Cité des mémoires étudiantes, c’est aussi soutenir le Germe

6-decembre-2016

Panneau réalisé par la Cité des mémoires étudiantes avec le Germe pour la Ville de Paris. En mémoire de Malik Oussékine. 6 décembre 2016.

Le Groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants qui a participé à la fondation de la Cité des mémoires étudiantes, soutient bien évidemment l’appel aux dons de cette unique structure dédiée aux archives et mémoires étudiantes.

Le Germe, les chercheurs, ont besoin d’aller à la source, aux sources (documents, témoignages, archives), et la Cité au travers de ses expositions et d’autres activités permet de valoriser la recherche, de faire comprendre son utilité.

La Cité contribue à la vie intellectuelle, matérielle du Germe, à le faire connaître ainsi que ses productions, de diverses manières:

– par la mise à disposition des sources,  la coopération et la coorganisation de séminaires, de colloques,

– par la diffusion des publications du Germe (collection Germe, Cahiers du Germe) tant en France qu’à l’étranger – lors de congrès internationaux d’archivistes, de visites de centres spécialisés, de musées étudiants, ou d’exposition. 

Alors oui, verser au fonds de dotation de la Cité en bénéficiant des déductions fiscales vous permet aussi d’aider le Germe

Robi Morder président du Germe

Suite : appel aux dons et modalités

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1896 : naissance des villes « universitaires » et des diplômes d’université

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Faculté des sciences de Marseille, plan Blavette, 1896.

La loi du 10 juillet 1896, constitue les facultés françaises en universités.Elle est précédée par  la loi du 28 avril 1893, qui crée les « corps de facultés » et dote les conseils généraux de facultés, fondés en 1885, de la personnalité civile, ce qui les rend aptes à recevoir des dons, legs et subventions privées.

Depuis l’institution de l’Université impériale en 1808, le système universitaire français est régi par plusieurs principes, dont certains sont loin d’avoir disparu. Il n’y a pas alors de création d’universités au sens contemporain du terme, mais de facultés constituées par disciplines (droit, médecine, sciences, lettres, pharmacie et … théologie). Les 16 villes qui accueillent alors ces facultés ne possèdent pas toutes l’ensemble de ces établissements, seule Paris étant dans ce cas au début du siècle. Ces facultés sont organisées verticalement, indépendamment les unes des autres, les facultés enseignant la même discipline n’étant que faiblement reliées entre elles. Le doyen est le patron de la faculté, assisté par un conseil de faculté, sous l’autorité des recteurs, eux-mêmes reliés directement au ministre, qui est assisté par le conseil supérieur de l’Instruction publique. L’Etat exerce donc une tutelle absolue sur les établissements universitaires. On est dans le système que les historiens appelleront après les réformes de la IIIe République la « République des facultés », système qui durera jusqu’à la loi Faure de 1968. L’université en tant que regroupement de facultés situées dans la même ville n’existe pas encore. Continue reading ‘1896 : naissance des villes « universitaires » et des diplômes d’université’