lecture : Laurence Viry, Le monde vécu des universitaires, ou La République des Egos

Laurence VIRY, Le monde vécu des universitaires, ou La République des Egos, PUR, Rennes, 2006. Ce livre, préfacé par Vincent de Gaulejac, est la version publiée d’une thèse en sociologie. Pour Laurence Viry, d’origine populaire comme elle le souligne dans l’introduction, l’université a  longtemps représenté « un lieu inaccessible ».  C’est ce « mystère » au sens de représentation éloignée de la réalité, qu’explore l’auteure, et plus particulièrement le monde des enseignants du supérieur, et ce qui contribue à en donner, ou non, une identité collective.

Ce sont les entretiens qui donnent la matière aux développements de l’ouvrage. Il s’agit de 43 Maîtres de conférences et professeurs, 7 membres du CNU, 11 docteurs en attente de poste, dont la liste est donnée (avec anonymat quand l’interrogé le désire) en annexe suivant des tableaux détaillant origine sociale, géographique, sexe, âge, statut, année d’entrée en fonction… Il s’agit d’enseignants en sciences humaines, donc pas de scientifiques, de juristes, d’économistes.

L’ouvrage est partagé en quatre parties : la méthode, les « épreuves instituées », la vie à l’université et enfin les scenarii. Continue reading ‘lecture : Laurence Viry, Le monde vécu des universitaires, ou La République des Egos’

lecture : Houari Mouffok, Parcours d’un étudiant algérien : de l’UGEMA à l’UNEA

Houari MOUFFOK, Parcours d’un étudiant algérien : de l’UGEMA à l’UNEA,  Bouchène, 1999, 90 pages. « Ces pages relatent le parcours d’un étudiant algérien, grandi dans l’injustice coloniale, conscientisé au combat libérateur, devenu communiste au gré d’un séjour d’étude en RDA, puis leader du mouvement étudiant à l’indépendance, arrêté puis torturé, après le coup d’Etat du 19 juin 1965 et qui tente ici, en réveillant sa mémoire, de reconstituer les fils d’une histoire qui a conduit beaucoup de jeunes algériens de son époque à « traverser le miroir ». Préface à l’ouvrage de Nourredine Saadi

Les ouvrages sur le Mouvement Etudiant Algérien (MEA) sont rares. Celui de Houari Mouffok apporte un témoignage de qualité sur 2 organisations étudiantes algériennes (l’Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens et l’Union Nationale des Etudiants Algériens) et de manière plus globale sur la guerre de libération et l’indépendance de l’Algérie. Continue reading ‘lecture : Houari Mouffok, Parcours d’un étudiant algérien : de l’UGEMA à l’UNEA’

lecture: Jean-Louis Violeau, Les architectes et mai 68

Jean-Louis VIOLEAU, Les architectes et mai 68, Paris, Editions Recherches, 2005, 477p. Encore un nouveau pavé sur 68 ? Certes, mais celui-ci ne risque pas de faire pschitt ! Voilà un travail précis et approfondi sur la genèse et l’impact de mai 68 dans un milieu donné, celui des architectes. Et, au cœur de cette recherche, le système de formation de ces étudiants atypiques : la section architecture de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA), qui va éclater, après mai 68, en plusieurs « unités pédagogiques «, à Paris et en province, devenues écoles d’architectures dans les années 80. Voilà donc des étudiants, mais de Grande Ecole qui, en plus, ont un lien très fort avec leur profession future et son « Ordre « à l’image des étudiants en médecine ou en pharmacie !

En ayant choisi ce terrain pour sa thèse, dont est issu cet ouvrage, Jean-Louis Violeau nous offre un bel exemple de la richesse d’études de cas à multiplier sur le mouvement de Mai (cf. note de lecture sur l’ouvrage de Kristin Ross). Continue reading ‘lecture: Jean-Louis Violeau, Les architectes et mai 68’

lecture : Carole Lécuyer, Les étudiantes de l’Université de Paris sous la Troisième République,

Carole LECUYER, Les étudiantes de l’Université de Paris sous la Troisième République, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction de Michelle PERROT, Université Paris VII – Denis Diderot, Juin 1993, 251 pages + annexes. C’est sous la direction de Michelle Perrot, spécialiste de l’histoire du genre et des femmes, que Carole Lécuyer achève, en 1993, ses recherches sur les étudiantes de l’Université de Paris sous la Troisième République. Il en résulte un mémoire de maîtrise riche et extrêmement fouillé. Pour la première fois, les étudiantes de l’Université de Paris deviennent actrices de l’histoire à part entière. L’auteure dresse le portrait des étudiantes de cette époque, méconnues de nous, souvent méconnues de leurs contemporains et de leurs homologues masculins.

Cette étude fait le point sur les évolutions et les mutations du statut des étudiantes depuis Julie Daubié, première bachelière en 1861 jusqu’au années 1930. Continue reading ‘lecture : Carole Lécuyer, Les étudiantes de l’Université de Paris sous la Troisième République,’

lecture : Laurence Corroy, La presse des lycéens et des étudiants au 19ème siècle

Laurence CORROY, La presse des lycéens et des étudiants au 19e siècle, Paris, INRP, 2004, 280 p. (collection « Education, histoire, mémoire «). Partir dans les bibliothèques à la recherche des périodiques publiés au 19e siècle par un groupe social aussi porté à en créer que les étudiants relève, je le sais pour l’avoir pratiqué, d’un exploit notable. Il s’agit en effet de feuilles fragiles, éphémères et souvent anonymes. Comme l’écrit l’auteur d’une histoire des journaux parus en 1856 , ces titres, outre qu’ils sont « illisibles, malpropres, maculés «, ont une courte durée, changent souvent de titre, se combattent entre eux et parfois fusionnent, et ils ne tirent qu’à très peu d’exemplaires (il est d’ailleurs très difficile de connaître le chiffre des titrages de cette presse). C’est dire l’intérêt de la thèse de Laurence Corroy publiée par l’INRP en 2004. Le recensement qu’elle a effectué de ces feuilles de chou très humbles rendra de nombreux services, notamment parce que ces journaux constituent une source remarquable sur la vie et les opinions du milieu social qui les publie. Elle recoupe en grande partie la liste que j’en ai établie pour mon travail sur les étudiants à Paris au 19e siècle , et même la complète puisque l’auteure a pris en compte la presse « lycéenne « et les titres de province. Continue reading ‘lecture : Laurence Corroy, La presse des lycéens et des étudiants au 19ème siècle’

lecture: Kristin Ross, Mai 68 et ses vies ultérieures

Kristin ROSS, Mai 68 et ses vies ultérieures, Bruxelles, Editions Complexe, 2005, 250 p. Publié à Chicago en 2002, traduit en français cette année grâce au Monde diplomatique, cet ouvrage s’intéresse aux « vicissitudes de la mémoire d’un événement politique de masse «, à savoir Mai 68 en France. Kristin Ross s’y attache à démonter les mécanismes de la construction médiatico-intellectuelle d’une « histoire officielle « de Mai 68, qui, à chaque commémoration, cherche à imposer la vision de l’événement comme manifestation principalement culturelle de la modernisation nécessaire de la France des années 60 ; décoder l’encodage « déshistoricisé et dépolitisé «. Continue reading ‘lecture: Kristin Ross, Mai 68 et ses vies ultérieures’

lecture: Julien Nogues. Les droites face au « problème de la jeunesse », Une histoire des années 1968 à 1974

NOGUES, Julien, Les droites face au « problème de la jeunesse », Une histoire des années 1968 à 1974, mémoire de sciences politiques, Sciences-Po Rennes, 4° année, sous la direction de Gilles Richard, 2003.

Si les relations entre la droite et la jeunesse à la fin des années soixante ont souvent été évoquées, aucune étude précise n’existait sur ce thème. Cette lacune, grâce au mémoire de Julien Noguès, est aujourd’hui réparée. L’auteur, loin de sombrer dans la facilité, traite avec nuance et rigueur d’un sujet beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Il démontre de manière convaincante que ce « problème de la jeunesse » n’est qu’une construction dont la résolution était devenu un enjeu politique essentiel. Continue reading ‘lecture: Julien Nogues. Les droites face au « problème de la jeunesse », Une histoire des années 1968 à 1974’

lecture: Marianne Mugnier, Le mouvement étudiant à Dijon en mai-juin 1968

Marianne MUGNIER. Le mouvement étudiant à Dijon en mai-juin 1968. Mémoire de master I, Université de Bourgogne, département d’histoire, sous la direction de Jean Vigreux, maître de conférence en histoire contemporaine, 2004-2005, 76 pages + XLI pages d’annexes. Enfin, la troisième tentative aura été la bonne ! Dijon, ville universitaire, à l’instar d’autres capitales régionales, n’avait pas encore une étude scientifique sur « son » mai 68[1]. D’autres s’y étaient essayés – entre autre le directeur du mémoire… -, une autre étudiante durant deux ans, sans plus de succès. Il faut donc saluer l’aboutissement du travail de Marianne Mugnier[2] pour avoir réussi à défricher le mai dijonnais estudiantin, dans une lecture renouvelée du local[3] au prisme du national. Continue reading ‘lecture: Marianne Mugnier, Le mouvement étudiant à Dijon en mai-juin 1968’

lecture : Sarah Guilbaud, Mai 68 à Nantes

Sarah GUILBAUD, Mai 68 à Nantes, Nantes, Coiffard, 2004, 220 p. Sur le même cas nantais / sujet, Sarah Guilbaud nous propose un ouvrage, mais dans une toute autre logique quelque peu différente. Quitte à être trop modeste, l’auteur, dans son avant-propos, ne se veut ni historienne, ni sociologue et se « propose plus simplement d’évoquer les faits marquants du mouvement nantais «. Ce qu’elle fait de la plus belle des façons ! Voilà un bel exemple d’exposition grand public de la diversité et de la richesse du mouvement de mai dans une région, dans une ville donnée ! Et quelle ville ! Effectivement, « Nantes la rouge « a été le berceau d’un mouvement particulièrement fort et original… Sarah Guilbaud nous en retrace toutes les étapes, de la genèse au sein du nouveau site universitaire du Tertre ou dans le « programme d’action des organisations syndicales ouvrières et agricoles de l’Ouest « à la fin de la « rêve-olution «, marquée par la victoire gaulliste aux législatives de juin 1968 et les dernières évacuations d’usines et facultés occupées. Continue reading ‘lecture : Sarah Guilbaud, Mai 68 à Nantes’

lecture : Hans-Ulrich Wipf, Studentische Politik und Kulturreform. Geschichte der Freistudenten-Bewegung 1896-1918 (Polique étudiante et réforme culturelle. Histoire du Mouvement des étudiants libres, 1896-1918)

Hans-Ulrich WIPF, Studentische Politik und Kulturreform. Geschichte der Freistudenten-Bewegung 1896-1918 (Polique étudiante et réforme culturelle. Histoire du Mouvement des étudiants libres, 1896-1918), préface de Michael Buckmiller, Schwalbach/T, Wochenschau-Verlag, 2004, 309 p. (Edition Archiv der Jugendbewegung)

Lorsque j’ai commencé, il y a plus d’un quart de siècle, à travailler sur les étudiants russes en Allemagne avant la première guerre mondiale et plus particulièrement sur la «question des étrangers», j’ai bénéficié d’une part des travaux de Gilbert Gillot sur les corporations étudiantes allemandes et d’autre part de son encouragement à consulter les fonds de l’Institut für Hochschulkunde (science de l’enseignement supérieur) à Würzburg où Hans-Ulrich Wipf a lui aussi abondamment puisé sa documentation. Il m’est alors apparu que les «amis» des Russes se recrutaient surtout parmi les «étudiants libres» (Freistudentenschaft, Finkenschaft, Wildenschaft) et j’ai déploré l’absence d’une étude les concernant, une absence qui vient d’être magistralement comblée  par Hans-Ulrich Wipf. Continue reading ‘lecture : Hans-Ulrich Wipf, Studentische Politik und Kulturreform. Geschichte der Freistudenten-Bewegung 1896-1918 (Polique étudiante et réforme culturelle. Histoire du Mouvement des étudiants libres, 1896-1918)’