Charte de Grenoble, CPE 2006, loi travail 2016 : « Quand l’UNEF se dotait d’une charte »

quand l'UNEF se dotait d'une charteIl y a 10 ans, le 21 mars 2006, Le Monde publiait la présente tribune alors que nous mettions la dernière main à Naissance d’un syndicalisme étudiant, 1946 : la charte de Grenoble. Ce premier ouvrage de la collection Germe aux éditions Syllepse, programmé pour le 60ème anniversaire de la charte de Grenoble reprenait en grande partie les textes du colloque « 50 ans de syndicalisme étudiant » tenu dix ans plus tôt en mars 1996 et à l’occasion duquel paraissait le premier numéro des Cahiers du Germe, justement consacré à… la charte de Grenoble.  A la relecture de la tribune, les mobilisations actuelles sur la loi travail confirment bien l’actualité des questions posées par la charte de Grenoble : l’étudiant  – jeune travailleur intellectuel, partie prenante du mouvement général des travailleurs, ayant des droits et des devoirs, dont celui de l’engagement en avant-garde de la jeunesse; mais avec le souci de l’économie des moyens. Quant au texte même de la tribune de 2006, il suffira de constater que c’en est bien fini du « ghetto étudiant », changer CPE par Loi travail avec quelques nuances, augmenter le nombre d’étudiants salariés. C’est de cette actualité de la charte de Grenoble dont il sera question le 15 avril 2016 avec Paul Bouchet, les organisations étudiantes, le Germe réunis en table ronde sur l’initiative de la Cité des mémoires étudiantes.

« J’achève dans le calme une dernière relecture des épreuves de 1946, naissance d’un syndicalisme étudiant. Par la fenêtre ouverte pénètre une clameur : des étudiants revendiquant le droit au travail et la défense du code du travail. Sans le savoir, ces dizaines de milliers de jeunes donnent corps à une « prophétie » dont on va célébrer les 60 ans. Continue reading ‘Charte de Grenoble, CPE 2006, loi travail 2016 : « Quand l’UNEF se dotait d’une charte »’

Mouvement CPE (contrat première embauche) : les 10 Coordinations nationales, dates et documents.

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10 avril 2006 à Reims, une AG. Le président d’université, Gérard Mary, à la tribune. Photo Caroline Chalier/Cité des mémoires étudiantes

Depuis le début des années 1970, la modalité coordination fait partie intégrante du répertoire d’action dans les mouvements étudiants, suivant le principe de délégués élus par des assemblées générales d’étudiants se réunissant ensuite en « coordination ». [1]. La représentativité de ces coordinations – si elle n’est guère contestée quand il y a une mobilisation homogène (c’est à dire quand à peu près toutes les universités sont en grève et que les assemblées sont massives) – est l’objet de débats, pouvant aboutir à des ruptures, des conflits de légitimité quand la mobilisation est inégale, que les assemblées sont plus ou moins importantes selon les universités, ce qui est souvent le cas au commencement d’un mouvement dont on ne sait pas encore s’il va se généraliser, et à la fin quand il y a des « reprises » progressives. Les appréciations peuvent ainsi dans le cas du mouvement CPE être différentes pour chacune des coordinations tenues, chacune ayant sa configuration propre (Poitiers décide de quitter la coordination du 19 mars, les deux dernières coordinations se tiennent après le retrait du CPE). Le mouvement CPE de surcroît touchant au code du travail, les relations touchent non seulement coordinations et syndicats étudiants, mais les rapports avec l’intersyndicale. Aux chercheurs de restituer les stratégies et tactiques des acteurs dans chaque contexte les textes issus de ces 10 coordinations tenues en 2006 les 18 février à Rennes, 25 février à Toulouse, 4 et 5 MARS à Jussieu, 11 mars à Poitiers, 19 mars à Dijon, 25 et 26 mars à Aix-en-Provence, 2 avril à Lille, 8 et 9 avril à Lyon, 16 avril à Nancy, 22 et 23 avril à Bordeaux.

[1] Voir : Robi Morder  « Les repertoires d’action collective des mouvements étudiants » et Didier Leschi « La coordination nationale étudiante dans la grève générale étudiante de 1986 ».Les Cahiers du Germe, spécial 4, 2003. Continue reading ‘Mouvement CPE (contrat première embauche) : les 10 Coordinations nationales, dates et documents.’

Archiver une mobilisation étudiante en cours : l’exemple du mouvement anti-CPE

23 mars 2006 Reims

Filmer, archiver… 23 mars 2006 université de Reims bloquée

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Au-delà de l’action des différentes organisations étudiantes (à vocation représentative ou non), depuis les années 1968, les mobilisations ponctuelles (contre tel ou tel projet gouvernemental) constituent également une des formes de l’action collective étudiante.
Ce répertoire d’actions collectives a nécessité une évolution du répertoire d’actions propre à l’archivistique estudiantine, mais ce n’est qu’avec la mission de préfiguration de la Cité des mémoires étudiantes (ex-Mission CAARME)et avec le mouvement anti-CPE (Contrat première embauche) en 2006 que cela a pu être mis en pratique.

La préservation des traces de ces mobilisations est encore plus complexe que celles des structures étudiantes : ancrée régionalement (à Reims) et visant à avoir une approche nationale, nous avons essayé de « couvrir » Assemblées générales, manifestations et … coordinations nationales.
Continue reading ‘Archiver une mobilisation étudiante en cours : l’exemple du mouvement anti-CPE’

Il y a 10 ans, la journée nationale d’action du 7 mars 2006: le tournant décisif du mouvement contre le CPE (contrat première embauche),

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Manifestation du 7 mars à Paris. Photo Robi Morder/Cité des mémoires étudiantes.

Durant les premiers mois de 2006, la mobilisation étudiante contre le CPE allait entraîner au fur et à mesure non seulement les jeunes, mais une masse de plus en plus importante de travailleurs dans la rue. Renouvelant en l’enrichissant le répertoire d’action traditionnel (AG, coordinations, blocages), réussissant – comme en 1993 (CIP, contrat d’insertion professionnelle) et même mieux qu’en 1968 – à rassembler autour de lui l’intersyndicale, le mouvement étudiant débouchait sur une victoire importante : le retrait du CPE. En 2007, dans la collection Germe aux éditions Syllepse, paraissait Le CPE est mort, pas la précarité. Retour sur le printemps étudiant 2006, rédigé en atelier par un collectif d’étudiants lyonnais, le « Collectif 4 bis » appuyé notamment par notre amie Sophie Béroud, maître de conférence à l’IEP de Lyon et spécialiste du syndicalisme et des mouvements sociaux. A l’occasion des dix ans du mouvement contre le CPE, nous préparons la publication dans la collection Germe d’un ouvrage issu de la thèse que notre ami Paolo Stuppia a soutenu en décembre 2014 Les tracts du mouvement « anti CPE» de 2006. En voici les « bonnes feuilles » du deuxième chapitre; (voir première partie « Il y a 10 ans, le 7 février 2006, première journée de manifestations contre le contrat première embauche (CPE) »). Continue reading ‘Il y a 10 ans, la journée nationale d’action du 7 mars 2006: le tournant décisif du mouvement contre le CPE (contrat première embauche),’

Mouvement CPE (contrat première embauche): repères chronologiques (16 janvier-13 avril 2006).

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16 mars 2006, à côté de la Sorbonne fermée et encerclée par la police. Photo Caroline Chalier/Cité des mémoires étudiantes

C’est le 16 janvier 2006 que Dominique de Villepin annonce la création du CPE, et c’est le 13 avril que le Sénat vote une loi remplaçant le CPE. C’est ce temps court qui fait l’objet de la brève chronologie qui suit. Toutefois, il y a un temps plus long : celui qui va de la création par ordonnance du 2 aôut 2005 du CNE (Contrat nouvelles embauches) à son abrogation par la loi du 25 juin 2008 qui venait légaliser son abandon de fait, la condamnation de l’Organisation internationale du travail, et la mort judiciaire de ce type de contrat devant diverses juridictions. Le CPE était – après les « émeutes » des jeunes des banlieues à l’automne 2005 – la réponse gouvernementale face au chômage des jeunes. C’était l’adaptation à toute la classe d’âge (jeunes embauchés avant l’âge de 26 ans) du CNE, limité lui aux entreprises de moins de 20 salariés. C’est la raison pour laquelle nous mettons également à disposition la chronologie aux bornes plus éténdues (mai 2005 à mai 2006), et plus exhaustive, établie par Paolo Stuppia en annexe de sa thèse.

JANVIER

16 janvier Dominique de Villepin annonce la création du CPE dans le cadre de sa « bataille pour l’emploi. »

19 janvier Réunies au siège de l’UNEF, les organisations syndicales étudiantes, lycéennes et les organisations de jeunesse constituent le collectif national « Stop-CPE ». Continue reading ‘Mouvement CPE (contrat première embauche): repères chronologiques (16 janvier-13 avril 2006).’

Avant le CPE (contrat première embauche), le précédent du CIP Balladur (décrets du 24 février 1994)

pAPALes attaques contre la jeunesse ne datent pas du contrat première embauche (CPE). 12 ans auparavant[1], Édouard Balladur, alors Premier ministre, était contraint de reculer face à la mobilisation des jeunes et des salariés contre le contrat d’insertion professionnelle (CIP), qui instaurait un salaire inférieur au Smic.

Au printemps 1993, la droite gagne les élections législatives. Pour cette deuxième cohabitation François Mitterrand nomme Édouard Balladur au poste de Premier ministre et Michel Giraud devient ministre du Travail. Le 20 décembre 1993, la nouvelle majorité parlementaire adopte la « loi quinquennale pour l’emploi ». Son article 62 prévoit la création d’un « contrat d’insertion professionnelle », destiné aux jeunes de moins de 26 ans et d’un niveau de formation de niveau 4 (baccalauréat) au plus. Toutefois, il est ouvert aux jeunes d’un niveau de formation égal ou supérieur au niveau 3 (bac +2) « qui rencontrent des difficultés particulières d’accès à l’emploi ». La loi prévoit que les titulaires de ces contrats percevront une rémunération en pourcentage du Smic, sans précision particulière, le pouvoir réglementaire devant le fixer par des décrets d’application.

Cet article, parmi près d’une centaine, passe alors presque inaperçu. Il est vrai que les étudiants sortent de plusieurs semaines de mobilisations sur les conditions de la rentrée et la réforme de l’ALS[2] qui réduit les allocations logement. Continue reading ‘Avant le CPE (contrat première embauche), le précédent du CIP Balladur (décrets du 24 février 1994)’

Mouvement CPE (contrat première embauche): communiqués du 1er au 23 février 2006 du collectif des organisations de jeunesse

stop cpeLe collectif des organisations de jeunesse (dit collectif « stop CPE ») s’est formé à l’issue de la réunion tenue au siège de l’UNEF le 19 janvier 2006. Il a notamment appelé à des initiatives propres du côté des jeunes, et à la participation aux actions plus générales de l’intersyndicale. Le collectif a tenu sa dernière réunion le 23 février, la grève s’étant généralisée et l’intersyndicale comme la coordination nationale s’avérant – quelles qu’aient été les difficultés, les débats et même les contradictions – chacune à leur niveau, comme plus fonctionnelles.
En voici les principaux communiqués.

Montreuil, le 1er février 2006.

Communiqué de presse du collectif des organisations de jeunesse. Le collectif unitaire des organisations de jeunesse réuni le 1er février 2006 exige à nouveau le retrait du Cpe.

Le Cpe généralise le Cne pour l’ensemble des moins de 26 ans, à savoir une période d’essai de deux ans pendant laquelle tout salarié peut être licencié sans motif, du jour au lendemain. Continue reading ‘Mouvement CPE (contrat première embauche): communiqués du 1er au 23 février 2006 du collectif des organisations de jeunesse’

Le serpent de mer de l’ALS: retour sur une tentative de réduction du gouvernement Balladur en 1993

manifestation unef unef id novembre 1993

L’unité des deux UNEF contre la réforme de l’ALS débouche sur une manifestation commune sur le budget. Côte à côte le président de l’UNEF dite SE (Bon Injey, deuxième à partir de la gauche) et celui de l’UNEF ID (Philippe Calmpinchi à sa gauche). Carte de voeux de l’UNEF ID janvier 1994.

Les remises en causes récentes de l’ALS pour les étudiants, du moins dans ses modalités et son étendue, ne sont pas les premières. C’est peu de temps après sa création que la première menace s’annonce en 1993. C’est ce premier précédent que nous nous proposons de rappeler sans avoir pu encore utiliser les archives de l’UNEF-ID sauvegardées par et à la Cité des mémoires étudiantes depuis plusieurs années, et qui vont commencer à être traitées avec la convention ministère/Cité pour être ensuite accessibles aux chercheurs et aux intéressés, sans oublier le sort des archives de l’UNEF dite SE, dispersées et pour certaines disparues, les archives de la FAGE, et d’autres archives, publiques ou privées telles celles des administrations, des premiers ministres, des personnes étant intervenues dans ce dossier. Toutefois il a été possible de nous appuyer essentiellement sur une revue de presse, des archives et des notes personnelles notamment cellesprises dans le cours du mouvement et au sein de réunions de coordinations Il faut donc considérer cette contribution comme provisoire[*].

L’ALS étendue aux étudiants en 1990…

En 1948, l’allocation logement familiale (ALF) est créée pour aider les foyers à supporter l’augmentation des loyers consécutive à la fin de l’encadrement des loyers (Loi du 1er septembre 1948). En 1971 (Loi du 16 juillet), l’allocation logement sociale (ALS) est instaurée comme complément pour les ménages vulnérables. En 1977 (Loi du 3 janvier) l’aide personnalisée au logement (APL) vient renforcer le dispositif mais elle est limitée aux appartements conventionnés par l’Etat. En 1990, Lionel Jospin, alors ministre de l’Education nationale du gouvernement de Michel Rocard sous la présidence de François Mitterrand, étend le bénéfice de l’ALS aux étudiants en leur seule qualité d’étudiants locataires d’un logement.

[*] Une première version de ce texte a été présenté au colloque logement du 7 novembre 2015 organisé par l’AAUNEF avec le concours du Germe et de la Cité des mémoires étudiantes. Il a été complété ensuite et sera plus développé quand les nouvelles archives seront accessibles. Continue reading ‘Le serpent de mer de l’ALS: retour sur une tentative de réduction du gouvernement Balladur en 1993′

Les « humanités » gréco-latines et les organisations étudiantes (1880-1939)

3165048_3_e466_ill-3165048-bb3e-disputatio_d3da99f35a5f19cb4da83f18a305ccf4Qu’est-ce qui fait bouger les organisations étudiantes sous la 3e République ? Celles-ci naissent pour la plupart à la fin du 19e siècle et renaissent après la Grande Guerre, et leur problème est plus d’améliorer les conditions de vie et d’études de leurs camarades ou d’assurer leurs débouchés professionnels que de transformer le contenu et la pédagogie des études. François Borella et Michel de la Fournière[1] soulignent que le « corporatisme » revendiqué par l’UNEF et les AGE ne pose pas de questions sur les causes des maux ni de réflexion sur la situation de l’étudiant dans le pays, d’où des solutions partielles (restaurants bon marché, cités, bourses d’études). En outre, on ne s’occupe que des étudiants actuellement sur les bancs de l’Université, sans rien dire sur la démocratisation ou sur le devenir de l’Université ; par le refus de « faire de la politique », on respecte l’ordre établi.

Quand les organisations étudiantes attaquent la réforme de la capacité en droit ou celle de la licence ès lettres, c’est pour défendre des positions professionnelles et non pour améliorer les cursus d’études de droit ou de lettres. Cela n’empêche pas une revendication de l’UNEF et des AGE, qui est de siéger dans les conseils académiques pour plus que les questions disciplinaires. Continue reading ‘Les « humanités » gréco-latines et les organisations étudiantes (1880-1939)’

Il y a 10 ans, le 7 février 2006, première journée de manifestations contre le contrat première embauche (CPE).

declaration commune
Déclaration commune du 24 janvier 2006 appelant à manifester le 7 février. Col. Cité des mémoires étudiantes

Durant les premiers mois de 2006, la mobilisation étudiante contre le CPE allait entraîner au fur et à mesure non seulement les jeunes, mais une masse de plus en plus importante de travailleurs dans la rue. Renouvelant en l’enrichissant le répertoire d’action traditionnel (AG, coordinations, blocages), réussissant – comme en 1993 (CIP, contrat d’insertion professionnelle) et même mieux qu’en 1968 – à rassembler autour de lui l’intersyndicale, le mouvement étudiant débouchait sur une victoire importante : le retrait du CPE. En 2007, dans la collection Germe aux éditions Syllepse, paraissait Le CPE est mort, pas la précarité. Retour sur le printemps étudiant 2006, rédigé en atelier par un collectif d’étudiants lyonnais, le « Collectif 4 bis » appuyé notamment par notre amie Sophie Béroud, maître de conférence à l’IEP de Lyon et spécialiste du syndicalisme et des mouvements sociaux. A l’occasion des dix ans du mouvement contre le CPE, nous préparons la publication dans la collection Germe d’un ouvrage issu de la thèse que notre ami Paolo Stuppia a soutenu en décembre 2014 Les tracts du mouvement « anti CPE» de 2006. En voici des « bonnes feuilles » du premier chapitre.[1]

Les prémices de la lutte

Le scénario de l’automne 2005 (Contrat nouvelle embauche) semble se reproduire : face à une intersyndicale et à une opposition relativement unies, le gouvernement parie sur un manque d’investissement de la – ou, plutôt, des – jeunesse(s), l’une – scolarisée – approchant les vacances d’hiver, l’autre – massivement déscolarisée et stigmatisée – encore secouée par les émeutes de novembre. Continue reading ‘Il y a 10 ans, le 7 février 2006, première journée de manifestations contre le contrat première embauche (CPE).’