Pierre Sicard (1923-2016)

bouchet sicard

Pierre Sicard (à droite) avec Paul Bouchet (à gauche). Grenoble, juin 2008. Photo Caroline Chalier Cité des mémoires étudiantes

C’est le 4 juillet dernier que Pierre Sicard, âgé de 93 ans, est décédé.

Etudiant en architecture à Grenoble – ville ou fut adoptée la « charte » en 1946, non loin du sanatorium de Saint-Hilaire du Touvet, il est élu au bureau de l’AGE pour l’année 1949/1950 où il occupait le poste de délégué social[1].C’est la période de la mise en place de la sécurité sociale étudiante et de la MNEF dont il préside déjà la section local de Grenoble. Au congrès d’Arcachon en 1950l il devient le deuxième président de la MNEF, succédant à Pierre Trouvat, pour un mandat de un an. Il en demeure ensuite conseiller technique.  Quittant les facultés pour exercer son métier d’architecte, il n’en a pourtant pas cessé de s’intéresser à la vie étudiante, notamment sous l’angle de la santé, tout en restant fidèle à sa ville de Grenoble. En 1991 il devient ainsi président de la Fondation santé des étudiantes de France (FSEF) dont il était déjà membre du conseil d’administration depuis les années 1970. Il quitte la présidence en 1994, où l’on peut dire qu’il est évincé. En effet, c’est le moment où la MNEF arrive à imposer son directeur général, Olivier Spithakis à la présidence de la Fondation[2], malgré les oppositions à cette prise de contrôle. Mais la fin de la MNEF n’a eu « finalement que peu de conséquences sur le corps sain de la Fondation qui a continué à accomplir et développer ses missions »[3]. Il était d’une génération de militants et d’individus engagés Continue reading ‘Pierre Sicard (1923-2016)’

1986-2016, les 30 ans du mouvement Devaquet. 1/ le printemps : du projet du GERUF au projet Devaquet

photo135Il y a 30 ans, une grève générale mettant en action et dans la rue des millions d’étudiants et de lycéens, mettait fin non seulement au « projet Devaquet », mais à toute réforme globale instaurant la sélection. Il aura fallu que les gouvernants usent d’autres voies: réformes sectorielles, d’application locale, ayant aussi entraîné, avec un moindre succès, des mobilisations (LMD, LRU). Utilisant tout le répertoire d’action collective, grève, manifestation, coordinations, implications syndicales, question de la négociation, cette mobilisation a non seulement marqué une génération, mais les questions posées demeurent pour  beaucoup actuelles. Il en sera question en novembre avec les journées Archives et mémoires étudiantes de la Cité, et en décembre 2016 par une initiative co-organisée entre l’AAUNEF, la Cité des mémoires étudiantes et le Germe.

Nous consacrerons à cet évènement plusieurs contributions au cours des prochains mois, avec documents, références, pour constituer un dossier sur le site du Germe. Commencçons par le commencement. En effet, si l’on considère le mouvement comme une mobilisation de trois semaines (de la mi-novembre 1986, quand la grève démarre à Caen et Villetaneuse, au retrait du projet par Jacques Chirac le 8 décembre 1986 et à la dernière manifestation du 10 décembre), il faut remonter en amont, aux sources du projet et de la mobilisation, sans oublier les moments consécutifs au retrait. Il est dès lors nécessaire de rappeler qu’avant le projet de réforme ministériel, il y a eu une proposition de loi qui n’avait pas été reprise en tant que telle par le gouvernement. Continue reading ‘1986-2016, les 30 ans du mouvement Devaquet. 1/ le printemps : du projet du GERUF au projet Devaquet’

1956: Il y a 60 ans, le congrès de Rambouillet de la Fédération nationale des étudiants socialistes

FRP SFIO SEINE 1956

Affiche de la fédération de la Seine de la SFIO, élections 1956

Dans les crises des mouvements de jeunesse concomitantes aux luttes pour la décolonisation, et notamment de la guerre d’Algérie, l’on a souvent traité bien sûr de l’UNEF, des organisations confessionnelles, notamment chrétiennes, ou des mouvements politiques tels ceux liés au Parti communiste. [1] L’on s’est moins attaché à ce qui s’est joué dans les jeunesses socialistes. Jacques Delpy, ancien de l’UNEF et de la Fédération nationale des étudiantes socialistes[2], qui s’est attelé à la publication d’une étude sur la FNES dans cette période, nous a autorisé en publier un extrait, ce dont nous le remercions.

Le Mouvement des jeunesses socialistes avait été dissous après les évènements qui avaient suivi les émeutes de 1947 ; lors de sa reconstitution sont séparés les Jeunesses socialistes et les Etudiants socialistes, regroupés en une Fédération nationale des étudiants socialistes (FNES). On peut adhérer à la FNES sans adhérer à la SFIO.

Les éléments ci-après concernent les prises de position des Etudiants socialistes relatives à l’Algérie en 1956. Ils s’insèrent dans une recherche plus large en cours dont l’objet sera de montrer quelle fut l’action de la FNES, d’une part au niveau des associations générales d’étudiants, d’autre part dans la constitution de ce que l’on appela la minorité de l’UNEF, enfin la place qu’elle prit dans les batailles de la décolonisation dans les années 1953-1858[3]. Continue reading ‘1956: Il y a 60 ans, le congrès de Rambouillet de la Fédération nationale des étudiants socialistes’

Actualités : étudiants, jeunes et « Loi Travail »

voeux 2016Le Germe et la Cité des mémoires étudiantes dans les media

(Mis à jour au 23 avril 2016) Reconnus pour leur expertise dans le domaine, les réseaux du Germe et la Cité des mémoires étudiantes sont sollicités par les medias ; mises à jour au fur et à mesure pendant la mobilisation, ces « actualités » présentent  les liens vers les interventions de Jean-Philippe Legois, Ioanna Kasapi, Alain Monchablon, Robi Morder, Vanessa Pinto, et d’autres entretiens  avec divers de nos chercheurs.

De même, après quelques repères « pour s’y retrouver » (sigles, chronologie, résultats électoraux) des prises de position des organisations étudiantes à vocation représentative, avec des liens vers leurs sites et communiqués, de coordinations, ainsi que vers d‘autres analyses – évidemment de manière non exhaustive.

Occasion aussi de rappeler la nécessité dans le présent de collecter les éléments de ce qui constituera dans l’avenir des matériaux pour une mémoire  utile à la recherche et aux acteurs. La Cité des mémoires étudiantes diffuse d’ailleurs dans les manifestations un dépliant pour le rappeler. Et pour en savoir plus sur nos prochains rendez-vous, voir La lettre électronique du Germe et de la Cité n° 106.

Robi Morder Ce n’est pas la première fois que la gauche déçoit la jeunesse étudiante Le Plus nouvelobs.com 9 mars 2016

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19 mai 1956: il y a 60 ans, le début de la grève illimitée des étudiants algériens

sans titre1Le 19 mai 1956, en riposte aux attaques de l’AGEA, les étudiants musulmans d’Alger votent un appel à la grève illimitée des cours et des examens et à l’engagement dans les rangs du FLN et de l’ALN. Pourtant, encore en 1955 « les relations de l’UGEMA avec l’Association générale des étudiants d’Alger (AGEA) étaient bonnes, parce que celle-ci était dirigée par un bureau de gauche »[1]. Mais en février 1956 le Comité d’action universitaire pour la défense de l’Algérie française, provoque la chute (par  référendum révocatoire) du bureau de l’AGEA à qui était reproché la position prise en faveur de la libération de quatre étudiants musulmans. Ce sont donc les partisans de l’Algérie française qui forment le nouveau bureau, qui va s’opposer aux mesures du  ministre résidant Robert Lacoste de promotion des « Français musulmans » dans la fonction publique. L’AGEA et le CAU lancèrent le 3 mai 1956 un appel à la grève illimitée des cours contre le décret Lacoste. La grève cesse le 11 mai, l’AGEA maintenant sa demande de «mobilisation générale, la résiliation automatique de tous les sursis, et la formation d’un « corps-franc universitaire ». Le 18 mai,  les étudiants musulmans d’Alger se réunissent et le 19 mai est adopté  un appel à la grève illimitée des cours et des examens et à l’engagement dans les rangs du FLN et de l’ALN.   Continue reading ’19 mai 1956: il y a 60 ans, le début de la grève illimitée des étudiants algériens’

Il y a 35 ans, le 4 mars 1971, la police parle à la population et descend dans la rue

LA LUTTE PERSONNE NE M'AIME

Journal des comités rouge lycéens de Poitiers mars 1971

LA LUTTE PERSONNE NE M'AIMEDes policiers distribuant des tracts place de la République à Paris. On l’a déjà vu, c’était il y a 35 ans le 4 mars 1971. C’est le jour retenu parla Fédération autonome des syndicats de police (FASP),  pour une grande journée d’explication au cours de laquelle le syndicat entendait reconcilier police et population, expression d’un malaise dans une police mobilisée depuis mai 1968 aux fins quasi-exclusives de ‘maintien de l’ordre » contretout deshayes 1971 les jeunes, les grèves, les manifestations; Et l’on vit ainsi des policiers distribuer 450 000 tracts (un premier tirage de 300 000 étant épuisé dès la fin de la matinée, il fallut en réimprimer d’urgence).

Programmée depuis un moment, le calendrier des luttes étant imprévisible, cette journée s’est en fait tenue quelques jours après « l’affaire Guiot » et la mobilisation lycéenne pour la libération de leur camarade arrêté à la sortie du lycée Chaptal à Paris alors qu »une manifestation se déroulait à cet endroit. C’est au cours de laquelle Richard Deshayes a perdu un oeil, ayant reçu une grenade lancée à tir tendu. Une grande campagne avait alors été lancée pour la « dissolution des brigades spéciales ». (Voir notre article « Retours sur des mouvements lycéens ») Le journal Le Monde souligne au lendemain de cette journée des policiers que « la leçon la plus importante s’adresse certainement au gouvernement, auquel elle a montré que les policiers étaient capables de prendre des risques pour faire comprendre qu’ils refusent, quelle que soit la conjoncture, de se voir couper de la population ». Continue reading ‘Il y a 35 ans, le 4 mars 1971, la police parle à la population et descend dans la rue’

1976 la grève générale de trois mois contre la réforme du dexième cycle (Soisson et Saunier Séité)

GREVE GENERALE DE L'UNIVERSITELa grève générale étudiante de 1976 est le mouvement étudiant qui aura duré le plus longtemps, plus de trois mois de fin février à fin mai ; il faudra attendre trente ans, jusqu’au mouvement contre le CPE de 2006, pour connaître d’une mobilisation aussi prolongée. C’est sous la présidence de Giscard d’Estaing, dans le gouvernement de Jacques Chirac, en décembre 1975 que le secrétaire d’Etat aux universités Jean-Pierre Soisson élabore un projet de réforme des deuxièmes cycles universitaires. Le 18 janvier 1976, soit deux jours après sa nomination, la nouvelle secrétaire d’Etat, Alice Saunier-Séité, publie un arrêté de création de nouvelles filières. Ces dernières seront reconnues pour les universités qui auront adapté les contenus aux débouchés professionnels, après examen par des commissions nationales où siégeront des représentants patronaux. De plus, le caractère national des diplômes est menacé et la sélection à l’entrée de la quatrième année (année de la maîtrise) envisagé. A partir de là, pendant plusieurs semaines les organisations étudiantes, principalement les deux UNEF, le MARC (Mouvement d’action et de recherche critique) comme les mouvements politiques non syndiqués, tels la LCR ou « Révolution », font monter la pression : informations, tracts, meetings et AG, rassemblements (comme les « Etats généraux » organisés le 28 février par l’UNEF dite renouveau). Continue reading ‘1976 la grève générale de trois mois contre la réforme du dexième cycle (Soisson et Saunier Séité)’

75 ans de charte de Grenoble : dossier

invit 15 avril 02C’est du 22 au 28 avril 1946 à Grenoble que le 35e congrès de l’UNEF se réunit, et adopte ce qu’on appellera la charte de Grenoble. Dans ce dossier, l’on trouvera des contributions, des témoignages, tribunes, notices biographiques, des renvois à des fonds d’archives, des discours au congrès de 1946.(mise à jour 19 avril 2021)

15 avril 2021, 15H-18H: 75e anniversaire. Séance spéciale du séminaire du GIS engagements étudiants. Video sur youtube. (invitation en pdf)

Il ne s’agit pas de momifier, ni de considérer le chapitre clos. Bien au contraire, les mobilisations étudiantes réitèrent l’actualité des questions posées par la charte. Mais c’est moins le texte – certes il faut s’y pencher sans tomber dans le travers de l’exégèse –  que le contexte qui doit être l’objet d’attention tant il convient de souligner le rôle et le jeu des acteurs de l’époque. Ils démontrent que les possibles d’hier peuvent être de nouveaux possibles d’aujourd’hui. Car c’est dans un contexte de difficultés, de divisions, que des individus ont choisi parmi plusieurs options. par leur volonté devenue commune au-delà de leurs positionnements différents ils sont arrivés par « l’amalgame » à produire ce qui va devenir « le syndicat unique de la classe étudiante » pendant près de deux décennies. Ils vont marquer au-delà durablement le paysage devenu multidimensionnel des mouvements étudiants. Nous n’en avons pas fini d’explorer cette naissance, ou plutôt cette renaissance tant le mouvement étudiant est une « réinvention permanente ».

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« L’étudiant est un jeune travailleur intellectuel », 70 ans et pas une ride

Par Paul Bouchet, Jean-Philippe Legois et Robi Morder. Tribune dans Mediapart du 7 avril 2016.

Les mouvements étudiants actuels concrétisent, une nouvelle fois ce qu’en avril 1946 le premier congrès de l’UNEF après la Libération avait adopté: la Charte de Grenoble, refondant le mouvement étudiant. Elle demeure, à l’instar de la charte d’Amiens pour le syndicalisme des salariés, la référence de la plupart des organisations étudiantes. Suite, liire ici sur mediapart

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Il y a 70 ans, le Comité préparatoire international (CPI) d’avril 1946

STATUTS PROJET CPI AVRIL 1946Après la conférence du 18 novembre aux Archives diplomatiques avec Paul Bouchet et Tom Madden  (en téléconférence depuis les USA) et l’inauguration de l’exposition « 150 ans d’engagements étudiants à l’international », notre ami Tom Madden a complété avec de nouvelles illustrations et documents. Occasion de revenir sur le processus de création de l’UIE fondée en août 1946 à Prague. Deuxième épisode le CPI d’avril 1946. (premier épisode : le CPI de janvier 1946)

La première session s’était tenue en novembre/décembre 1945 après la conférence mondiale des étudiants. La deuxième session du CPI, présidée par Pierre Rostini, avait fixé la date du congrès constitutif de l’UIE à l’été 1946, plus précisément du 17 au 31 août à Prague. C’est dans la capitale tchécoslovaque que se réunit pour la troisième fois du 9 au 13 avril (selon le compte-rendu officiel, dans le bulletin des étudiants en médecine britannique Tom Madden parle des7 au 14 avril). Cette fois-ci c’est Tom Madden qui préside, sont présents les représentants de Grande Bretagne, France, URSS, Chine, Inde,  Belgique, Yougoslavie, Tchécoslovaquie.  Pour la France, ce sont Paul Bouchet, Pierre Trouvat président de l’UNEF, et Joseph Roger de l’UJRF.

(à gauche, projet de statuts élaboré par la CPI, Fonds Tom Madden, Cité des mémoires étudiantes) Continue reading ‘Il y a 70 ans, le Comité préparatoire international (CPI) d’avril 1946’